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VI

On entra dans la tour par la porte étroite et oblique de la tourelle qui renfermait l’escalier en limaçon. À chaque étage, on déposa une partie de la famille royale et des serviteurs dans le logement qui leur était affecté : Madame Élisabeth, dans une cuisine pourvue d’un seul grabat, au rez-de-chaussée ; les hommes de service, au premier étage ; la reine et ses enfants, au second ; le roi, au troisième. Un lit de chêne sans rideaux et quelques siéges étaient les seuls meubles de cette pièce. Les murs étaient nus ; quelques gravures obscènes, restes de l’ameublement d’un valet de pied du comte d’Artois, étaient suspendues à des clous contre la muraille. Le roi, en entrant, parcourut de l’œil, sans aucun signe de répugnance ou de faiblesse, ce logement ; il regarda les gravures, les détacha de sa propre main, et les retournant contre la muraille : « Je ne veux pas, dit-il, laisser de pareils objets sous les yeux de ma fille ! » La chambre de la reine et des enfants offrait la même sordidité.

Le roi se coucha et s’endormit. Deux de ses serviteurs, MM. Hue et Chamilly, passèrent la nuit sur des chaises auprès de son lit ; la princesse de Lamballe, au pied du lit de la reine ; les autres femmes attachées au service de la famille royale, dans la cuisine, sur des matelas étendus autour du grabat où couchait la jeune sœur du roi. Des