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II

Il y a toujours dans ces grands chocs d’idées et d’événements qui produisent les révolutions quelques êtres expiatoires, quelques familles, quelques âmes en qui se personnifie le malheur commun, et dans qui, par un déplorable privilége d’infortune, les haines des deux causes acharnées, les coups qu’elles se portent, les terreurs ou les fureurs qu’elles se renvoient, les factions qui les déchirent, les calamités, le sang, les larmes de tout un empire viennent, pour ainsi dire, se concentrer, éclater, se déchirer, pleurer, saigner, souffrir et mourir dans un seul cœur ! C’est le point où les révolutions les plus nécessaires se résolvent en angoisses, en tortures et en supplices, dans les victimes qui personnifient les institutions immolées. C’est là aussi que l’opinion se tait, que la théorie cesse d’être implacable, et que l’histoire elle-même, oubliant un moment sa partialité pour la cause des peuples, n’a plus d’autre cause, d’autre gloire et d’autre devoir que la pitié. Car l’histoire aussi, cette interprète du cœur humain, a des larmes ; mais ses larmes l’attendrissent, et ne l’aveuglent pas.