Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas céder l’empire à la Convention. L’instinct de la Révolution leur disait qu’il fallait imprimer une dictature à la France, tendre tous ses ressorts à la fois et communiquer aux départements, membres éloignés et refroidis de la république, cette chaleur et cette fièvre qui se concentrent toujours en certains moments dans la tête des nations. Paris seul, centre et foyer des idées révolutionnaires depuis un demi-siècle, avait assez d’ardeur, de passion, de fanatisme et d’autorité sur le reste de la république pour se faire imiter ou obéir, et pour exercer sur les députés incertains ou épars des départements une pression de volonté, de terreur et quelquefois d’insurrection, qui ferait d’eux, malgré eux, les instruments de l’énergie désespérée des principes. Les Cordeliers, la commune et Danton, d’accord en cela avec eux, méprisaient dans les Girondins cette modération d’esprit et ces scrupules de légalité, propres, selon eux, à tout énerver dans un moment où tout devait être tendu et violent comme les circonstances. Ils haïssaient surtout dans ces hommes de département cet esprit d’isolement et ce tiraillement du centre aux extrémités qui tendaient à mettre chaque département au niveau de Paris, et à ne pas laisser à la capitale plus de droits et plus d’action qu’au dernier chef-lieu du Nord ou du Midi. « Que nous importent vos lois et vos théories, disait brutalement Danton à Gensonné, quand la seule loi est de triompher, quand la seule théorie pour la nation est la théorie de vivre ? Sauvons-nous d’abord, et nous disserterons après. La France en ce moment n’est ni à Lille, ni à Marseille, ni à Lyon, ni à Bordeaux ; elle est tout entière où l’on pense, où l’on agit, où l’on combat pour elle ! Il n’y a plus de départements, plus d’intérêts séparés, plus de géographie ; il n’y a qu’un