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mer Paris en refusant d’établir un maximum du prix des subsistances au profit du peuple, tantôt de désorganiser les armées et d’amortir l’élan patriotique de la nation sur la Savoie, sur le comté de Nice, sur la Belgique et sur l’Allemagne, tantôt enfin de pactiser avec les royalistes, et d’épargner dans la personne du roi la victime du peuple et l’holocauste de la patrie. Marat jetait tous les jours sur ces ferments de haine l’étincelle de sa parole. Ses feuilles éclataient chaque matin comme ces cris d’insurrection qui sortent par intervalles d’une foule ameutée. C’était l’écho grossissant et multiplié de la fureur de la nation. Danton, tout en se tenant sur la réserve, en silence, et un peu à l’écart des deux partis, conservait un certain ascendant aux Cordeliers et des intelligences cimentées par une terrible complicité avec les chefs de la commune. Robespierre, glorieux d’être à lui seul une faction, se tenait immobile dans ses principes et dans son désintéressement ; n’aspirant à rien en apparence, il attendait que tout vînt à lui. Chaque jour, en effet, depuis l’accusation prématurée de Louvet, quelques membres indécis de la Convention se détachaient du parti de Roland et de Brissot et venaient se rallier à l’homme des principes, ceux-ci par peur, ceux-là par estime, le plus grand nombre par cette puissance d’attraction qu’exercent, indépendamment de leur caractère ou de leur talent personnels, les hommes qui comprennent le mieux les dogmes d’une révolution, qui s’y attachent avec le plus de foi, et qui les professent avec le plus de persévérance et d’intrépidité, à travers toutes les circonstances, toutes les fortunes et tous les partis. Ainsi, d’un côté, Marat, Danton, Robespierre, les Jacobins, les Cordeliers, la commune, le peuple de Paris ; de l’autre,