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notre courage. C’est au moment où les potentats de l’Europe se liguent contre nous que nous leur offrirons le spectacle d’un roi supplicié ! » C’est ainsi que le sophisme peut se surexciter lui-même jusqu’au crime.

« Nous voulons diriger la Révolution, de peur que la Révolution ne nous emporte, ajoutaient les Girondins de ce parti. Pour diriger une révolution, il faut rester à la tête de la passion qui la pousse. Cette passion, c’est la passion de la liberté. La liberté veut se venger et se défendre. Le peuple ne sera sûr d’être libre que quand il aura passé sur le cadavre d’un roi. La victime est coupable, il n’y a point de crime à l’immoler. Les Jacobins, les Cordeliers, la commune, le parti patriote de la Convention, les clubs, les journaux, les pétitions des départements, nous imposent de juger l’ennemi de la nation. Si nous résistons à cette voix du peuple, il nous désavouera ; il se jettera tout entier à Robespierre, à Danton, à Marat. Notre pitié sera notre crime. L’échafaud du roi sera le trône de leur faction. Nous périrons sans sauver la tête de Louis XVI. Nous laisserons l’empire à des scélérats. Notre fatal scrupule aura perdu la Révolution. Gardons notre sensibilité pour nos femmes et pour nos enfants, dans notre vie privée. N’apportons aux affaires politiques que l’inflexibilité des hommes d’État. On sauve quelquefois les empires avec une goutte de sang, jamais avec des larmes. »