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XXIV

Robespierre n’avait aucune haine personnelle contre le roi. Il avait même bien espéré des vertus de ce prince à l’aurore d’un avénement au trône qui promettait un règne à la philosophie. Danton aurait aimé à sauver Louis XVI. Les rapports mystérieux de cet homme avec la reine, avec Madame Élisabeth ; les promesses qu’il leur avait faites de veiller sur leurs jours du milieu de leurs ennemis ; la pitié pour ce prince, dont le seul crime était d’être né à une époque de révolution, trop dénué de génie pour la comprendre, trop clément pour la combattre, trop faible pour la diriger ; l’attendrissement pour ces enfants, qui trouvaient en naissant un crime dans leur nom et une prison dans leur berceau ; le secret orgueil de sauver une famille couronnée ; la pensée politique de garder ces grands otages et de faire de leur vie et de leur liberté un objet de négociation avec les puissances : tout portait Danton à la modération. Il ne s’en cachait pas avec ses familiers. « Les nations se sauvent, mais ne se vengent pas, disait-il un jour à un groupe de Cordeliers qui lui reprochaient de ne pas insister sur le procès de Louis XVI ; je suis un révolutionnaire, je ne suis pas une bête féroce. Je n’aime pas le sang des rois vaincus. Adressez-vous à Marat. » Marat lui-même était indifférent au jugement de Louis XVI. Il ne demandait le jugement du roi dans ses feuilles que pour jeter un défi de plus aux Girondins et pour se montrer plus po-