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blait que le peuple, comme un triomphateur cruel, voulût se repaître longtemps du supplice et de l’ignominie de la royauté. Seuls et sans amis pendant ces derniers jours, leur douleur et leur honte sans témoins furent aussi sans consolation. Leurs cœurs, lassés d’outrager, ne purent même se reposer sur un peu de pitié. En se regardant mutuellement, leurs yeux ne se renvoyaient que les mêmes terreurs et les mêmes larmes.

Le lundi, à trois heures, Pétion et Manuel vinrent les prendre dans deux voitures pour les conduire au Temple. La commune, qui pouvait enlever les prisonniers de nuit, voulut que ce trajet des Tuileries à la prison se fît en plein jour, à pas lents, et par les quartiers les plus populeux, pour que la dégradation de la royauté eût l’apparence et l’authenticité d’une exposition avant le supplice. Pétion et Manuel étaient dans la voiture du roi. Une foule innombrable formait la haie de la porte des Feuillants à la porte du Temple. Les regards, les gestes, les injures, le rire moqueur, le plus lâche des outrages, se renouvelèrent sur tous les pas du cortége. La faiblesse des femmes, l’innocence des enfants, attendrissaient en vain quelques regards furtifs : il fallait cacher son attendrissement comme une trahison. Pétion avait l’habitude de présider à ces marches triomphales de la déchéance. C’était lui qui avait ramené le roi de Varennes à travers la capitale irritée. C’était lui qui avait vu le roi coiffé du bonnet rouge dans son palais envahi le 20 juin, et qui avait félicité le peuple en le congédiant. C’était lui encore qui le menait à sa dernière halte avant le supplice. Il ne lui épargna aucune des amertumes de la route. Il ne lui voila aucun des présages de sa chute. Il le promena à travers son humiliation pour la lui faire sa-