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ventions et des haines. Il écrivait dans ce temps à ses amis de Bordeaux ces lignes dune sereine mélancolie, restituées pour la première fois à l’histoire ; elles peignent l’état de la patrie par l’état de son âme : « Dans les circonstances difficiles où je me trouve, c’est un besoin pour mon cœur de s’ouvrir à vous. Quelques hommes qui se vantaient d’avoir fait seuls le 10 août crurent avoir le droit de se conduire comme s’ils avaient conquis la France et Paris ; je ne voulus pas m’abaisser devant ces ridicules despotes. On m’appela aristocrate. Je prévis que, si l’existence de la commune révolutionnaire se prolongeait, le mouvement révolutionnaire se prolongerait aussi et entraînerait les plus horribles désordres. On m’appela aristocrate, et vous connaissez les événements déplorables du 2 septembre. Les dépouilles des émigrés et des églises étaient en proie aux plus scandaleuses rapines, je les dénonçai. On m’appela aristocrate. Le 17 septembre, on commença de renouveler les massacres ; j’eus le bonheur de faire rendre un décret qui plaçait la vie des détenus sous la responsabilité de l’Assemblée. On m’appela aristocrate. Dans les commissions, mes amis et moi, nous nous occupions nuit et jour des moyens de réprimer l’anarchie et de chasser les Prussiens du territoire. On nous menaçait nuit et jour du glaive des assassins. La Convention s’ouvrit. Il était facile de prévoir que, si elle gardait dans son sein les hommes de septembre, elle serait agitée de perpétuels orages. Je l’annonçai. Ma dénonciation ne produisit aucun effet…

» Jamais je n’ai ressenti la moindre émotion des misérables clameurs élevées contre moi ; néanmoins je me dis à moi-même : « Peut-être ces hommes qui accusent sans cesse la prétendue faction de la Gironde, qui depuis le