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le verbiage confus, insignifiant et vague de Robespierre quand il parlait d’inspiration, je croyais apercevoir les germes d’un talent qui pouvait grandir. Il martelait patiemment la langue pour la façonner sur les formes de l’antiquité et de Jean-Jacques Rousseau. La lecture continuelle de ces philosophes devait pénétrer et améliorer son esprit. L’un et l’autre de ces deux hommes avaient ce tempérament atrabilaire d’où sont sorties dans tous les siècles les tempêtes populaires. Je crois que Robespierre a de la religion ; mais jamais homme sachant écrire des phrases élégantes et persuasives n’eut un esprit plus faux. Un jour que je le priais de réfléchir sur quelques idées que je lui soumettais : « Je n’ai pas besoin de réfléchir, me répondit-il, c’est toujours à mes premières impressions que je m’en rapporte. Tous ces députés de la Gironde, me dit-il, ce Brissot, ce Louvet, ce Barbaroux, sont des contre-révolutionnaires et des conspirateurs. — Et où conspirent-ils ? lui dis-je. — Partout, reprit Robespierre, dans Paris, dans la France, dans toute l’Europe ! La Gironde a formé dès longtemps le projet de se séparer de la France pour redevenir la Guyenne et s’unir à l’Angleterre. Gensonné dit tout haut, à qui veut l’entendre, qu’ils ne sont pas ici des représentants, mais des plénipotentiaires de la Gironde. Brissot conspire dans son journal, qui est un tocsin de guerre civile. Il est allé à Londres, et on sait pourquoi. Clavière, son ami, a conspiré toute sa vie. Roland est en correspondance avec le traître Montesquiou. Ils travaillent ensemble à ouvrir la Savoie et la France aux Piémontais. Servan n’est nommé général de l’armée des Pyrénées que pour livrer la clef de la frontière aux Espagnols. Dumouriez menace plus Paris que la Belgique et