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savait que les cinq gentilshommes couraient risque d’être arrêtés au bas de l’escalier. L’inquiétude sur leur sort ajoutait à l’horreur du sien. Enfin, fondant en larmes en les regardant, il essaya de parler ; son émotion le rendit muet. « Séparons-nous, leur dit la reine, ce n’est que de ce moment que nous sentons toute l’amertume de notre situation. Jusqu’à présent vous nous l’aviez voilée par vos respects et adoucie par vos soins. Que Dieu vous paye une reconnaissance que… » Ses sanglots lui coupèrent la voix. Elle fit embrasser ses enfants par les derniers serviteurs de leur famille. La garde inflexible entra et leur disputa les minutes. Les gentilshommes descendirent par un escalier dérobé. Ils sortirent un à un sous des habits empruntés, pour se perdre inaperçus dans la foule.


XVII

M. de Rohan-Chabot, aide de camp de La Fayette, avait passé les deux jours et les deux nuits à la porte du roi, en costume de simple garde national. Reconnu et arrêté en sortant des Feuillants, il fut jeté dans la prison de l’Abbaye, qui ne s’ouvrit qu’aux assassins de septembre. La reine, Madame Élisabeth, les enfants de France, dénués de tout par le pillage des Tuileries, reçurent de l’ambassadrice d’Angleterre le linge et les vêtements de femme nécessaires à la décence de leur situation. La famille royale passa encore un jour et demi dans la loge du logographe. Il sem-