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conviendra que, si un pareil projet était criminel, il était encore plus hardi ; car, pour l’exécuter, il fallait d’abord renverser le trône, anéantir la législation, empêcher la formation d’une Convention nationale surtout. Mais alors, comment se fait-il que j’aie le premier, dans mes discours et dans mes écrits, appelé une Convention nationale comme le seul remède aux maux de la patrie ? Pour arriver à la dictature, il fallait d’abord maîtriser Paris et asservir les départements. Où sont mes trésors ? où sont mes armées ? où sont les grandes places dont j’étais sans doute pourvu ? Tout cela est dans les mains de mes accusateurs. Pour que leur accusation pût acquérir le moindre caractère de vraisemblance, il faudrait préalablement démontrer que j’étais complétement fou. Or, si j’étais fou, il resterait à expliquer comment des hommes sensés auraient pu se donner la peine de composer tant de beaux discours, tant de belles affiches, de déployer tant d’efforts pour me présenter à la Convention nationale comme le plus dangereux de tous les conspirateurs. Venons aux faits. Que me reproche-t-on ? L’amitié de Marat ? Je pourrais faire ma profession de foi sur Marat, sans vous en dire ni plus de bien ni plus de mal que je n’en pense. Mais je ne sais pas trahir ma pensée pour flatter l’opinion régnante. J’ai eu, en 1792, un seul entretien avec Marat. Je lui reprochai une exagération et une violence qui nuisaient à la cause qu’il pouvait servir. Il déclara en me quittant qu’il n’avait trouvé en moi ni les vues ni l’audace d’un homme d’État. Ce mot répond aux calomnies de ceux qui veulent me confondre avec cet homme.

» Ne me suis-je donc pas fait assez d’ennemis par mes combats pour la liberté, et faut-il m’imputer encore des excès que j’ai toujours évités et des opinions que je n’ai