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l’audace de combattre l’homme que Robespierre protégeait ! Et par quelle voie les conjurés marchaient-ils de concert à l’exécution préméditée de leur plan de domination ? Par la terreur. Il leur fallait encore des massacres pour qu’elle fût complète et pour écarter les généreux citoyens plus attachés à la liberté qu’à leur vie. On fit courir des listes de proscription signées de complaisance et au hasard par des Montagnards égarés. On convoitait le sang, on se partageait en espoir les dépouilles des victimes. Pendant quarante-huit heures la consternation fut générale. Trente mille familles sont là pour l’attester. Quand je vis tant d’atrocités liberticides, je me demandai si dans la journée du 10 août j’avais rêvé notre victoire, ou si Brunswick et ses colonnes contre-révolutionnaires étaient déjà dans nos murs ! Non ! mais c’étaient de farouches conjurés qui voulaient cimenter par le sang leur autorité naissante. Les barbares, il leur fallait encore, disaient-ils, vingt-huit mille têtes ! Je me ressouviens de Sylla, qui commença par frapper quelques citoyens désarmés, mais qui bientôt fit promener devant la tribune aux harangues et dans le forum les têtes des plus illustres citoyens ! Ainsi s’avançaient vers leur but ces scélérats, dans le chemin du pouvoir suprême, mais où les attendaient quelques hommes de résolution qui, nous l’avions juré par Brutus, ne leur auraient pas laissé la dictature plus d’un jour !… (Applaudissements unanimes.) Qui les arrêta cependant ? Ce furent quelques patriotes intrépides. Qui les combattit ? Ce fut Pétion ; ce fut Roland, qui prodigua à les dénoncer devant la France plus de courage qu’il ne lui en avait fallu pour dénoncer un roi parjure… Robespierre ! je t’accuse d’avoir calomnié sans relâche les plus purs patriotes ! Je t’accuse d’avoir répandu ces ca-