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avant tout la fortune et la célébrité de Louvet. Son amour était pour tout dans ses opinions. Ils s’enivraient, dans les livres, de philosophie et de républicanisme avant que l’heure sonnât de s’en occuper en action. Aussitôt que la presse fut libre et que la salle des Amis de la constitution fut ouverte, Louvet, quittant le jour sa retraite, où il retournait tous les soirs, se mêla au mouvement des partis. Il changea la plume licencieuse qui avait écrit les Aventures de Faublas contre la plume du publiciste et contre la tribune des Jacobins. Mirabeau, licencieux comme lui, aima et encouragea ce jeune homme. Robespierre, qui ne comprenait pas la liberté sans les mœurs, vit avec peine cet écrivain de boudoir parler de vertu après avoir popularisé le vice. Il voulait qu’on chassât de la république toute cette jeunesse plus infectée que parfumée de littérature et d’athéisme. Dès le temps de l’Assemblée constituante, le député d’Arras avait provoqué l’expulsion de Louvet des Jacobins.

Sous l’Assemblée législative, Louvet s’était rangé du parti de Brissot contre Robespierre. Lanthenas, l’ami et le commensal de madame Roland, l’avait introduit dans l’intimité de cette femme. « Ô Roland ! Roland ! s’écriait-il plus tard, que de vertus ils ont assassinées en toi ! que de vertus, de charmes, de génie ils ont immolés dans ta femme, plus grand homme que toi ! » Ces mots de Louvet témoignent de l’impression que madame Roland fit sur lui. Madame Roland ne dépeint pas avec moins de grâce le penchant qui l’entraîna vers Louvet. « Louvet, dit-elle, pourrait bien quelquefois, comme Philopœmen, payer le tribut de son extérieur. Petit, frêle, la vue courte, l’habit négligé, il ne paraît rien au vulgaire, qui ne remarque pas au pre-