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gie de sa parole inspiraient involontairement autour de lui. En désavouant Marat, il jetait un gage de réconciliation aux Girondins. Ses dernières paroles expirèrent au milieu des murmures. Il couvrait Robespierre qu’on voulait frapper. Buzot demanda dédaigneusement que Robespierre s’adressât aux tribunaux s’il se trouvait calomnié par Roland ; Robespierre l’interrompit, et se précipita à la tribune. « Je demande, s’écria Rebecqui, qu’un individu n’exerce pas ici le despotisme de la parole qu’il exerce ailleurs ! » Robespierre insista en vain. Un jeune homme de vingt-huit à vingt-neuf ans, de petite stature, aux formes féminines, aux traits délicats, aux cheveux blonds, aux yeux bleus, au teint pâle, au front pensif, à l’expression mélancolique, mais où la tristesse, au lieu de ressembler à l’abattement, rappelait le recueillement qui précède les fortes résolutions, parut à la tribune. Il pressait un rouleau de papier dans sa main gauche. Sa main droite, appuyée sur le marbre, semblait prête au combat. Son regard assuré se promenait sur les bancs de la Montagne. Il attendait le silence. Ce jeune homme était Louvet.


VII

Louvet était de ces hommes dont toute la destinée politique ne se compose que d’un jour ; mais ce jour leur conquiert la postérité, car il attache à leur nom le souvenir d’un sublime talent et d’un sublime courage. L’orateur et