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Quand l’œuvre est faite, on brise l’instrument. Pétion n’était que le complice timide d’une conspiration accomplie ; mannequin populaire élevé contre le roi, le jour où le roi disparaissait Pétion n’était plus. Il tentait en vain de modérer les exigences des commissaires de la commune et de reporter le pouvoir à son centre légal, c’est-à-dire à l’Assemblée. La commune impérieuse envoyait des ordres, sous la forme de prières, au corps législatif. Les Girondins n’étaient, comme Pétion, que les souverains honoraires d’une révolution qui les dépassait.

Ils avaient décrété la veille que Louis XVI habiterait le palais du Luxembourg pendant la suspension. Ce palais rappelait trop le pouvoir suprême dont la commune voulait écarter l’image des yeux du peuple. Elle représenta au corps législatif qu’elle ne pouvait répondre du roi dans une demeure aussi vaste, et sous laquelle des souterrains immenses pouvaient favoriser les évasions ou les complots. L’Assemblée, pour sauver l’apparente indépendance de ses résolutions, renvoya à une commission le pouvoir de prescrire l’habitation du roi. Cette commission décréta que la famille captive occuperait l’hôtel du ministre de la justice, sur la place Vendôme. Cet hôtel, au centre de Paris et sur la place où l’on passait en revue les troupes, attirait encore trop les pensées vers une puissance dangereuse à montrer aux soldats et au peuple. La commune refusa d’exécuter ce décret. Manuel vint en son nom demander que l’habitation du roi otage fût fixée au Temple, loin des souvenirs, loin des émotions de la ville. L’Assemblée céda. Le choix du Temple indiquait l’esprit de la commune dans l’interprétation des événements de la veille : au lieu d’une demeure, c’était une prison.