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tance que semblerait donner à son nom l’invitation solennelle de rester au ministère. Mais sa délibération m’honore, et elle a prononcé assez clairement son vœu. Ce vœu me suffit. Il m’ouvre la carrière. Je m’y lance avec courage. Je reste au ministère. J’y reste parce qu’il y a des dangers à courir. Je les brave, et je n’en crains aucun dès qu’il s’agit de sauver ma patrie… Je me dévoue jusqu’à la mort. Je sais quelles tempêtes se forment : des hommes ardents, peut-être égarés, prennent leurs passions pour des vertus, et, croyant que la liberté ne peut être bien servie que par eux, sèment la défiance contre toutes les autorités qu’ils n’ont pas créées, parlent de trahisons, provoquent les séditions, aiguisent les poignards et méditent les proscriptions. Ils se font un droit de leur audace, un rempart de la terreur qu’ils essayent d’inspirer ; ils traîneraient à la dissolution un empire assez malheureux pour n’avoir pas de citoyens capables de les démasquer et de les arrêter ! Combien serait coupable l’homme supérieur, par sa force ou ses talents, à cette horde insensée, qui voudrait la faire servir à ses desseins ambitieux ! qui tantôt, avec l’apparence d’une indulgence magnanime, excuserait ses torts, tantôt atténuerait ses excès !… Telle a été la marche des usurpateurs depuis Sylla jusqu’à Rienzi !… On vous a dénoncé des projets de dictature, de triumvirat : ils ont existé !… On m’a accusé de manquer de courage : je demanderai où fut le courage dans les jours lugubres qui suivirent le 2 septembre, dans ceux qui dénonçaient ou dans ceux qui protégeaient les assassins ? »

Ces allusions directes à la commune de Paris, à Danton, à Robespierre, étaient une déclaration de guerre où l’irritation de la femme outragée l’emportait sur le sang-froid du