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son retour dans sa patrie. Les noms de Roland et de Servan sont sacrés pour moi. (On applaudit à cette explosion de l’amitié.) Qu’importe à la patrie, reprend Lasource, que Roland ait une femme intelligente qui lui inspire ses résolutions, ou qu’il les puise en lui-même ? (On applaudit.) Ce petit moyen n’est pas digne des talents de Danton. (Nouveaux et plus nombreux applaudissements.) Je ne dirai pas avec Danton que c’est la femme de Roland qui gouverne, ce serait accuser Roland lui-même d’ineptie. Quant au défaut d’énergie, je dirai que Roland a répondu avec courage aux affiches scélérates où l’on cherchait à flétrir la vertu d’un homme intègre. A-t-il cessé de prêcher l’ordre et les lois ? A-t-il cessé de démasquer les agitateurs ? (On applaudit.) Doit-on néanmoins l’inviter à rester au ministère ? Non ! Malheur aux nations reconnaissantes ! Je le dis avec Tacite : La reconnaissance a fait le malheur des nations, parce que c’est elle qui a fait les rois ! » (Nouveaux applaudissements.)

Cette habile intervention d’un ami de Roland éluda la question sans la résoudre, et laissa aux Girondins les honneurs de la magnanimité. Le lendemain Roland écrivit à la Convention une de ces lettres lues en séance publique, et qui lui donnaient indirectement la parole dans la Convention et l’influence du talent de sa femme dans l’opinion. Ces lettres aux autorités constituées, aux départements, à la Convention, étaient les discours de madame Roland. Elle rivalisait ainsi avec Vergniaud, elle luttait avec Robespierre, elle écrasait Marat. On sentait le génie, on ignorait le sexe. Elle combattait masquée dans la mêlée des partis. « La Convention, disait Roland dans sa lettre, a montré sa sagesse en ne voulant pas accorder à un homme l’impor-