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aux assassins. À sa voix, les hommes à piques ajournèrent leur soif de sang. « Législateurs, dit Danton en entrant à l’Assemblée, la nation française, lasse du despotisme, avait fait une révolution. Mais, trop généreuse, ajouta-t-il en lançant un regard menaçant sur la place où le roi l’écoutait, elle a transigé avec les tyrans. L’expérience lui a prouvé qu’il n’y a aucun retour à espérer des anciens oppresseurs du peuple. Elle va rentrer dans ses droits… mais là où commence la justice doivent s’arrêter les vengeances populaires. Je prends, devant l’Assemblée nationale, l’engagement de protéger les hommes qui sont dans son enceinte. Je marcherai à leur tête et je réponds d’eux ! »

Il jeta, en prononçant ces derniers mots, un coup d’œil rapide et fier sur la reine, comme si une intelligence secrète ou une compassion superbe eussent été cachées sous la rudesse de son discours et sous le dédain de son attitude.


XIV

L’Assemblée, les tribunes applaudirent. Le peuple ratifia au dehors, par ses acclamations, la promesse de son favori, et les Suisses furent sauvés jusqu’au 2 septembre. Pétion succéda à Danton. Délivré de sa feinte captivité, il venait de reprendre à la commune le simulacre d’une autorité qu’il n’avait plus que de nom. Utile la veille aux factieux, il leur était importun désormais. Il affecta devant l’Assemblée de croire encore à sa puissance qui lui échappait.