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révolution, mais un redressement général de toutes les situations et de tous les principes faussés par le désordre social et rétablis violemment et à tout prix. Philosophie, ressentiment, équité, vengeance, haine des hommes, ambition et dévouement, assassinat et martyre, tout se confondait dans son système. C’était l’utopie du bouleversement, éclairée d’en haut par la lumière de la philanthropie, d’en bas par la lueur de l’incendie social.


XXVII

Ce système couvait depuis des années dans son âme. La Révolution vint lui donner de l’air. Marat était alors parvenu à l’emploi infime et humiliant pour son ambition de médecin des écuries du comte d’Artois. Emporté dès les premiers jours de 89 par le mouvement populaire, il s’y jeta pour l’accélérer. Il vendit jusqu’à son lit pour payer l’imprimeur de ses premières feuilles. Il changea trois fois le titre de son journal, jamais l’esprit. C’était le rugissement du peuple rédigé chaque nuit en lettres de sang, et demandant chaque matin la tête des traîtres et des conspirateurs.

Cette voix paraissait venir du fond de la société en ébullition. Nul ne connaissait celui qui la proférait. Marat était un être idéal pour le peuple. Un mystère planait sur son existence. On a vu que madame Roland elle-même en doutait, et demandait à Danton s’il existait en effet un homme