Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des hommes chargés par leurs fonctions de parler au peuple de ses devoirs et de faire respecter la loi prêchent le meurtre et en fassent l’apologie, c’est là un degré de perversité qui ne peut se concevoir que dans un temps où toute morale serait bannie de la terre ! »

Boileau, ami des Girondins, succède à Vergniaud, et lit à la Convention des phrases du journal de Marat qui provoquent au massacre des députés : « Ô peuple, n’attends plus rien de cette Assemblée ! Cinquante ans d’anarchie t’attendent, et tu n’en sortiras que par un dictateur vrai patriote et homme d’État. » Des cris de fureur éclatent contre Marat. Des voix demandent qu’il soit conduit à l’Abbaye.

Marat affronte avec intrépidité cet orage : « On invoque contre moi des décrets, dit-il ; le peuple les a anéantis en m’envoyant ici. Les condamnations qu’on allègue contre moi, je m’en fais gloire, j’en suis fier. Je les avais méritées en démasquant les traîtres et les conspirateurs. J’ai vécu dix-huit mois sous le glaive de La Fayette. Si les souterrains où je vivais ne m’avaient dérobé à sa fureur, il m’aurait anéanti, et le plus zélé défenseur du peuple n’existerait plus ! Les lignes que l’on vient de lire contre moi ont été écrites il y a dix jours, quand je m’indignais de voir élire à la Convention cette faction de la Gironde qui veut me proscrire aujourd’hui. » Il lit lui-même une page de son journal du matin, où il parle avec plus de modération et de décence : « Vous le voyez, ajoute-t-il, à quoi tient la vie des patriotes les plus éprouvés ? Si, par la négligence de mon imprimeur, ma justification n’avait pas paru ce matin dans ces pages, vous m’auriez voué au glaive des tyrans ! Cette fureur est-elle digne d’hommes libres ?… Mais je ne crains rien sous le soleil ! » À ces mots, tirant de sa poitrine un