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commune elle-même, qui n’avait pas trempé tout entière dans les assassinats de septembre, se parait de Robespierre et lui décernait avec affectation toute l’autorité sur ses actes. Elle sentait que sa force morale était en lui. Les Girondins le sentaient aussi. Ils craignaient peu Marat, trop monstrueux pour séduire. Ils négociaient avec Danton, assez vénal pour être séduit. Mais, quoique pleins de dédain pour le talent subalterne encore de Robespierre, c’était l’homme devant lequel ils tremblaient : le seul, en effet, Danton écarté, qui pût leur disputer la direction du peuple et le maniement de la république.

Mais depuis longtemps Robespierre avait rompu toute intimité avec madame Roland et ses amis. Vergniaud, enivré d’éloquence et confiant dans sa puissance d’entraînement, méprisait dans Robespierre cette parole sourde qui grondait toujours, mais qui n’éclatait jamais. Il croyait que la puissance des hommes se mesurait à leur génie. Le génie de Robespierre rampait au pied de la tribune, où celui de Vergniaud régnait déjà. Pétion, longtemps ami de Robespierre, ne lui pardonnait pas de lui avoir enlevé la moitié de la faveur publique. La popularité souffre moins de partage que l’empire. Louvet, Barbaroux, Rebecqui, Isnard, Ducos, Fonfrède, Lanjuinais, tous ces jeunes députés à la Convention, qui croyaient arriver à Paris avec la toute-puissance de la volonté nationale et tout courber sous la constitution républicaine qu’ils allaient délibérer librement, s’indignaient de trouver dans la commune un pouvoir usurpateur et rebelle qu’il fallait renverser ou subir, et dans Robespierre un tyran de l’opinion avec lequel il fallait compter. Les lettres de ces jeunes hommes aux départements sont pleines d’expressions de colère contre ces agi-