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et que l’Assemblée exigeait que la famille royale y reprît sa place de la veille. Quelques-unes de ses femmes, à qui les inspecteurs de la salle avaient permis le matin de pénétrer jusqu’à leur maîtresse, furent introduites en même temps dans l’appartement. En traversant la cellule du roi, elles trouvèrent ce prince assis près de son lit et faisant réparer le désordre de sa coiffure. On lui coupait les cheveux. Il en prit quelques mèches et les donna à ces fidèles suivantes de la reine : munificence de cœur, la seule désormais qui fût en sa puissance. Elles voulurent lui baiser la main ; il la retira et les embrassa. La familiarité du malheur avait effacé les distances entre cette famille et ses serviteurs.

Ces femmes fondirent en larmes en voyant la reine de France couchée sur un lit de camp et servie par une étrangère, gardienne de ce cloître abandonné. Cette pauvre servante, intimidée et attendrie par la grandeur et par l’infortune qu’elle avait sous les yeux, s’efforçait de racheter par ses soins et par ses respects l’inhabileté de ses services. Marie-Antoinette tendit les bras à ses amies et éclata en sanglots. Elle resta longtemps sans pouvoir ni regarder ni parler, confuse et rougissant de son abaissement et de sa dégradation, devant celles qui l’avaient vue la veille dans son luxe et dans sa splendeur. « Venez, malheureuses femmes, leur dit-elle enfin, venez voir une femme plus malheureuse que vous, puisque c’est elle qui fait votre malheur à toutes. » Puis embrassant sa fille et le Dauphin, que lui présentait madame de Tourzel : « Pauvres enfants, ajouta-t-elle, qu’il est cruel de leur avoir promis un si bel héritage et de dire : Voilà ce que nous leur laissons, tout finit avec nous ! » Elle s’informa ensuite,