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XI

L’amour même attachait son cœur là où le travail, la pauvreté et le recueillement fixaient sa vie. Éléonore Duplay, la fille aînée de son hôtesse, inspirait à Robespierre un attachement plus sérieux et plus tendre que celui qu’il portait à ses sœurs. Ce sentiment, plutôt prédilection que passion, était plus raisonné chez Robespierre, plus ardent et plus naïf chez la jeune fille. C’était l’amour qui convenait à un homme jeté tout le jour dans les agitations de la vie publique, un repos de cœur après les lassitudes de l’esprit. « Âme virile, disait Robespierre de son amie, elle saurait mourir comme elle sait aimer. » On l’avait surnommée Cornélia. Cette inclination, avouée par tous deux, était approuvée de la famille. Ils vivaient dans la même maison comme deux fiancés, non comme deux amants. Robespierre avait demandé la jeune fille à ses parents : elle lui était promise. « Le dénûment de sa fortune et l’incertitude du lendemain l’empêchaient de s’unir à elle avant que la destinée de la France fût éclaircie ; mais il n’aspirait, disait-il, qu’au moment où, la Révolution terminée et affermie, il pourrait se retirer de la mêlée, épouser celle qu’il aimait et aller vivre en Artois, dans une des fermes qu’il conservait des biens de sa famille, pour y confondre son bonheur obscur dans la félicité commune. »

De toutes les sœurs d’Éléonore, celle que Robespierre