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paix et aux habitudes invétérées de la nation lui semblait préférable aux crises des révolutions qu’il faudrait traverser pour transformer le nom et le mécanisme du gouvernement. La fermeté de ses convictions n’excluait pas en lui la mesure dans l’application. Il avait été modéré dans des idées extrêmes. C’étaient les ambitieux comme les Girondins ou les agitateurs comme les démagogues qui avaient poussé le plus à la république ; ce n’était pas lui. Il pactisait avec le temps parce qu’il ne lui demandait rien, disait-il, pour lui-même. Tout pour le peuple et pour l’avenir.


X

La vie de Robespierre portait témoignage du désintéressement de ses pensées ; cette vie était le plus éloquent de ses discours. Si son maître Jean-Jacques Rousseau eût quitté sa cabane des Charmettes ou d’Ermenonville pour être le législateur de l’humanité, il n’aurait pas mené une existence plus recueillie, plus pauvre que celle de Robespierre. Cette pauvreté était méritoire, car elle était volontaire. Objet de tentatives nombreuses de corruption de la part de la cour, du parti de Mirabeau, du parti de Lameth, et du parti girondin pendant les deux assemblées, il avait eu tous les jours sa fortune sous sa main ; il n’avait pas daigné la saisir. Appelé par l’élection ensuite aux fonctions d’accusateur public et de juge à Paris, il avait tout repoussé, tout résigné pour vivre dans une pure et fière indi-