Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ger contre plusieurs députés et contre moi ? Ne nous a-t-on pas dénoncés au peuple comme des traîtres ? Heureusement c’était en effet le peuple qui était là ; les assassins étaient occupés ailleurs ! (Frémissement général.) La voix de la calomnie ne produisit aucun effet, et la mienne peut encore se faire entendre ici ! Et je vous en atteste ! elle tonnera de tout ce qu’elle a de force contre les crimes et les tyrans ; et que m’importent les poignards et les sicaires ! qu’importe la vie au représentant du peuple quand il s’agit du salut de la patrie ! Lorsque Guillaume Tell ajustait la flèche qui devait abattre la pomme fatale qu’un monstre avait placée sur la tête de son fils, il s’écriait : « Périssent mon nom et ma mémoire, pourvu que la Suisse soit libre ! » (Longs applaudissements). Et nous aussi, nous dirons : « Périssent l’Assemblée nationale et sa mémoire, pourvu que la France soit libre ! » Les députés se lèvent comme par une impulsion unanime en répétant avec enthousiasme le serment de Vergniaud. Les tribunes imitent ce mouvement et confondent leurs voix avec celles des députés. Vergniaud, un instant interrompu, reprend : « Oui, périssent l’Assemblée nationale et sa mémoire, si elle épargne par sa mort à la nation un crime qui imprimerait une tache au nom français ; si sa vigueur apprend aux nations de l’Europe que, malgré les calomnies dont on cherche à flétrir la France, il est encore au sein même de l’anarchie momentanée où les brigands nous ont plongés, il est encore dans notre patrie quelques vertus publiques et qu’on y respecte l’humanité !!! Périssent l’Assemblée nationale et sa mémoire, si sur nos cendres nos successeurs, plus heureux, peuvent asseoir l’édifice d’une constitution qui assure le bonheur de la France, et consolide le règne de la liberté et de l’égalité ! »