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Ce logement, plus semblable à un cloître ou à une prison qu’à un palais, régnait dans l’étage supérieur du vieux monastère des Feuillants, au-dessus des bureaux et des comités de l’Assemblée. Il était composé de quatre chambres à la suite les unes des autres, ouvrant toutes par une porte semblable sur le vaste corridor qui desservait les cellules des religieux. Ces chambres, inhabitées depuis la destruction des ordres monastiques, étaient nues comme des murs dont les hôtes sont depuis longtemps dispersés. L’architecte de l’Assemblée, sur l’ordre des inspecteurs de la salle, y avait fait porter précipitamment les meubles qui s’étaient rencontrés sous la main dans son propre logement : une table à manger, quelques chaises, quatre bois de lit sans ciels, pour le roi, la reine, le Dauphin et sa sœur ; des matelas étendus sur les carreaux de brique étaient la couche de Madame Élisabeth et de la gouvernante des enfants de France : campement sur le champ de bataille entre deux journées de crise, aux portes du palais saccagé, sous la main du peuple vainqueur, et qui annonçait trop par sa nudité à la famille royale qu’elle était désormais plus près d’un cachot que d’un palais ! MM. de Briges, des Aubiers, de Goguelat, le prince de Poix et le duc de Choiseul occupèrent la première pièce, qui servait d’antichambre. Étendus sur des manteaux à la porte du roi, ils veillèrent les derniers sur son sommeil.

Le roi coucha à demi habillé dans la seconde chambre. Dépourvu de vêtement de nuit et des meubles de toilette pillés au château, une serviette ceignit sa tête sur l’oreiller sans rideau. La reine occupa avec les enfants la troisième chambre. Madame Élisabeth, madame de Tourzel, et la princesse de Lamballe, qui était venue dans la soirée re-