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sait, le massacre décimait autour d’eux, la mort frappait toujours plus près de leur âme.

Combien de cœurs qui battaient pour eux le matin étaient glacés le soir ! L’obscurité de l’enceinte, les lueurs de l’incendie des Tuileries qui se répercutaient sur les fenêtres et sur les murs du Manége, les agitations d’une séance prolongée, la nuit, toujours plus cruelle que le jour, les plongeaient dans les plus sombres pensées. Le silence du tombeau régnait depuis quelques heures dans la loge du logographe. On n’y entendait que le bruit des plumes pressées des rédacteurs qui couraient sur le papier, inscrivant minute par minute les paroles, les gestes, les émotions de la salle. La lueur fétide des chandelles qui éclairaient leur table montrait le jeune Dauphin couché sur les genoux de la reine et dormant au bruit des décrets qui lui enlevaient l’empire et la vie.


XI

À une heure après minuit, les inspecteurs de la salle vinrent prendre le roi et sa famille pour les conduire dans le logement qu’on leur avait préparé à la hâte depuis la promulgation du décret de déchéance. Des commissaires de l’Assemblée et le détachement de la garde nationale qui veillait depuis le matin sur leurs jours les escortaient. Un officier de la maison du roi prit le Dauphin des mains de la reine et l’emporta tout assoupi derrière elle.