conquise dont l’acte de la Convention venait de dépouiller le front et la famille des rois, pour la remettre au peuple. La nation crut respirer pour la première fois l’air libre et vital qui allait la régénérer. Ce fut un de ces courts moments qui concentrent dans un point du temps des horizons d’enthousiasmes et d’espérances que les peuples attendent pendant des siècles, qu’ils savourent quelques jours et qu’ils n’oublient plus, mais qu’ils ne tardent pas à laisser s’échapper comme un beau rêve pour retomber dans toutes les réalités, dans toutes les difficultés et dans toutes les angoisses qui accompagnent la vie des nations. N’importe. Ces heures d’illusion sont si belles et si pleines qu’elles comptent pour des siècles dans la vie de l’humanité, et que l’histoire semble s’arrêter pour les retenir et pour les éterniser.
II
Ceux qui en jouirent le plus furent les Girondins. Rassemblés le soir chez madame Roland, Pétion, Brissot, Guadet, Louvet, Boyer-Fonfrède, Ducos, Grangeneuve, Gensonné, Barbaroux, Vergniaud, Condorcet, célébrèrent dans un recueillement presque religieux l’avénement de leur pensée dans le monde ; et jetant volontairement le voile de l’illusion sur les embarras du lendemain et sur les obscurités de l’avenir, ils se livrèrent tout entiers à la plus grande jouissance que Dieu ait accordée à l’homme ici--