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venir dans les premières séances une acclamation téméraire de la république. Ils entrèrent avec cette confiance dans la salle.

Danton, Robespierre, Marat lui-même, ne se proposaient pas de devancer le moment de cette proclamation. Ils voulaient lui donner la solennité du plus grand acte organique qu’une nation pût accomplir. Ils voulaient de plus tâter leur force dans la Convention et grouper leurs amis, inconnus les uns aux autres, pour modeler la république à sa naissance, chacun sur leurs idées et sur leur ambition. Le silence était donc tacitement convenu sur cette grande mesure entre tous les chefs de l’Assemblée. Mais la veille de cette première séance, quelques membres jeunes, exaltés et impatients de la Convention, Saint-Just, Lequinio, Panis, Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois et quelques membres de la commune, réunis dans un banquet au Palais-Royal, échauffés par la conversation et par la fumée du vin, condamnèrent unanimement cette temporisation des chefs, et résolurent de déjouer cette timide prudence et de déconcerter les projets des Girondins, en lançant le mot de république à leurs ennemis. « S’ils le relèvent, dit Saint-Just, ils sont perdus ; car c’est nous qui l’aurons imposé. S’ils l’écartent, ils sont perdus encore ; car, en s’opposant à une passion du peuple, ils seront submergés par l’impopularité que nous amasserons sur leurs têtes. »

Lequinio, Sergent, Panis, Billaud-Varennes, applaudirent à l’audacieux machiavélisme de Saint-Just. Collot-d’Herbois, naguère comédien, orateur théâtral, à la voix sonore, au geste déployé, homme d’orgie et de coup de main, dont l’égarement de parole ressemblait souvent à l’ivresse, se chargea de faire la motion et jura d’affronter