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Les Girondins ne pouvaient répondre à ces accusations qu’en prenant l’avantage de l’audace sur leurs ennemis. Mais ici une nouvelle crainte les arrêtait. Ils ne pouvaient faire un pas de plus dans la voie des Jacobins et de la commune sans mettre le pied dans le sang du 2 septembre. Ce sang leur faisait horreur, et ils s’arrêtaient, sans délibérer, devant le crime. Résolus de voter la république, ils voulaient voter en même temps une constitution qui donnât à la république quelque chose de la concentration de pouvoir et de la régularité de la monarchie. Romains par leur éducation et par leur caractère, le peuple et le sénat de Rome étaient le seul idéal politique qui s’offrît confusément à leur imitation. L’avénement du peuple tout entier au gouvernement, l’inauguration de cette démocratie chrétienne et fraternelle que Robespierre préconisait dans ses théories et dans ses discours, n’étaient jamais entrés dans leurs plans. Changer le gouvernement était toute la politique des Girondins. Changer la société était la politique des démocrates. Les uns étaient des politiques, les autres des philosophes. Les uns pensaient au lendemain, les autres à la postérité.

Avant donc de proclamer la république, les Girondins voulaient lui donner une forme qui la préservât de l’anarchie et de la dictature. Les Jacobins voulaient la proclamer comme un principe à tout hasard, d’où sortiraient des flots de sang peut-être, des tyrannies passagères, mais d’où naîtraient, selon eux, le triomphe et le salut du peuple et de l’humanité. Enfin Danton, profondément indifférent à la forme du gouvernement, pourvu que cette forme lui donnât l’empire, voulait proclamer la république, pour compromettre la nation tout entière dans la cause de sa révolution, et pour rendre inévitable et terrible, entre la France