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envahi. Marat avait effrayé. Danton avait gouverné. Robespierre avait grandi. Les Girondins, diminués de tout ce qui était conquis par ces autorités et par ces hommes, avaient suivi, souvent en murmurant, le mouvement qui les entraînait. N’ayant rien prévu, rien gouverné pendant cette tempête, ils avaient dominé en apparence les mouvements, mais comme le débris domine la vague, en suivant ses ondulations.

Tous leurs efforts pour modérer l’entraînement anarchique de la capitale n’avaient servi qu’à marquer leur faiblesse. La nation se retirait d’eux. Pas un seul de ces hommes, favoris de l’opinion sous l’Assemblée législative, n’avait été nommé à la Convention par la ville de Paris. Tous leurs ennemis au contraire étaient les élus du peuple. La commune avait fait passer tous ses candidats. Danton, Robespierre et Marat, après avoir dicté les scrutins, dictaient maintenant les votes.

Le peuple impatient demandait aux deux partis des résolutions extrêmes. Sa popularité était à l’enchère. Il fallait rivaliser d’énergie et même de fureur pour la conquérir. La réserve monarchique faite par Vergniaud, Guadet, Gensonné et Condorcet, en mentionnant la nomination d’un gouverneur du prince royal dans le décret de déchéance, avait mis les Girondins en suspicion. Cette pierre d’attente de la monarchie semblait révéler en eux l’arrière-pensée de la relever après l’avoir abattue. Les journaux et les tribunes des Jacobins exploitaient contre eux ce soupçon de royalisme ou de modération. « Vous n’avez pas brûlé vos vaisseaux, leur disait-on ; pendant que nous combattions pour renverser à jamais le trône, vous écriviez avec notre sang de respectueuses réserves pour la royauté. »