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prince de Poix, M. de Choiseul, M. des Aubiers, M. de Maillardoz, M. d’Aubigny, M. de Vioménil, Carl, commandant de la gendarmerie, et quelques serviteurs personnels du roi, se tenaient là, debout, attentifs à ses ordres, prêts à mourir pour lui faire un dernier rempart de leurs corps, si le peuple parvenait à envahir les corridors de la salle. Ces généreux confidents des angoisses de la famille royale lui communiquaient, à voix basse, les nouvelles du dehors. Les uniformes de la garde nationale et de l’armée dont ils étaient revêtus leur permettaient de circuler dans les alentours de l’Assemblée et de rapporter à leurs maîtres les événements de la journée.

Vers six heures, les anciens ministres, mandés par un décret, prirent tristement congé du roi et se retirèrent pour aller remettre le dépôt de leur administration et pour se rendre le lendemain à la haute cour d’Orléans. Un peu après, Maillardoz, commandant des Suisses, appelé par des commissaires de la commune, fut traîné à l’Abbaye. D’Aubigny, s’étant mêlé aux groupes qui abattaient les statues des rois sur la place Louis XV et ayant laissé parler son indignation sur ses traits, fut immolé sur le monument même dont il déplorait la profanation. M. de Choiseul courut deux fois risque de la vie en sortant pour rallier les Suisses et en rentrant pour couvrir le roi de son épée. Un moment après, un grand bruit s’étant fait aux portes, le roi tourna la tête et demanda avec inquiétude la cause de ce tumulte. Carl, commandant de la gendarmerie de Paris, s’élança au bruit. Il ne revint pas. Le roi, qui se retournait pour entendre sa réponse, apprit sa mort avec horreur. La reine se couvrit le visage de ses deux mains. Chacun de leurs ordres portait malheur à leurs amis. Le vide se fai-