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-puissance la pensée, la volonté ou même la passion générale. Tel était l’instinct du moment.

Tous les noms que la France avait entendu prononcer depuis le commencement de sa révolution, dans ses conseils, dans ses clubs, dans ses séditions, se retrouvaient sur la liste des membres de la Convention. La France les avait choisis, non à la modération, mais à l’ardeur ; non à la sagesse, mais à l’audace ; non à la maturité des années, mais à la jeunesse. C’était une élection désespérée. La patrie sentait que, dans les périls où sa résolution de changer la face du monde allait la jeter, il lui fallait des combattants, et non des législateurs. C’était moins un gouvernement qu’une force temporaire qu’elle voulait instituer. Pénétrée du besoin de l’énergie d’action, elle votait sciemment une grande dictature. Seulement, au lieu de donner cette dictature à un homme qui pouvait se tromper, faiblir ou trahir, elle la donnait à sept cent cinquante représentants qui lui répondaient de leur fidélité par leurs rivalités mêmes, et qui, s’observant les uns les autres, ne pourraient ni s’arrêter ni reculer sans rencontrer le soupçon du peuple et le supplice derrière eux. Ce n’était ni des lumières, ni de la justice, ni de la vertu qu’elle leur demandait, c’était de la volonté.