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aperçu le visage sinistre de Danton à côté de Dumouriez, madame Roland fit un geste d’horreur. Elle avait cru voir la figure du crime à côté de la gloire. La gloire même lui parut souillée par le contact de Danton. Elle se retira sans être vue et entraîna Vergniaud. L’homme de septembre leur cachait l’homme de Valmy.

Un siècle semblait s’être écoulé entre le jour où Dumouriez avait quitté Paris et le jour où il y rentrait. Il avait laissé une monarchie, il trouvait une république. Après un interrègne de quelques jours, pendant lesquels la commune de Paris et l’Assemblée législative s’étaient disputé un pouvoir tombé dans la main des assassins et ramassé dans le sang par Danton seul, la Convention nationale s’était rassemblée et se préparait à agir. Élue sous le contre-coup du 10 août et sous la terreur des journées de septembre, elle était composée des hommes qui avaient horreur de la monarchie et qui ne croyaient pas à la constitution de 91 ; transaction tentée sous le nom de monarchie constitutionnelle : hommes extrêmes, seuls indiqués par l’extrémité des circonstances. Les Girondins et les Jacobins, confondus un moment dans une conspiration commune contre la royauté, avaient été nommés partout d’acclamation pour achever leur œuvre. Leur mandat était d’en finir avec le passé, d’écraser les résistances, de pulvériser le trône, l’aristocrate, le clergé, l’émigration, les armées étrangères, de jeter le défi à tous les rois et de proclamer, non plus cette souveraineté abstraite du peuple qui peut se dénaturer et se perdre dans le mécanisme compliqué des constitutions mixtes, mais cette souveraineté populaire qui va interroger, homme par homme, jusqu’au dernier des citoyens, et qui fait régner avec une irrésistible toute--