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-même, dans une lettre au ministre Lebrun : « Il faut regarder tout ceci, lui dit-il, comme une négociation purement militaire, telle que les capitaines grecs et romains en faisaient à la tête de leurs armées. Élevons-nous à ces temps héroïques, si nous voulons être dignes de la république que nous avons créée ! » Il masquait sous ces paroles la nature de la négociation. Militaire dans l’apparence, cette négociation était politique au fond. Dumouriez en montrait une partie pour cacher le reste.

La convention militaire portait que l’armée française s’engageait à ne point inquiéter la retraite des Prussiens jusqu’à la Meuse, et qu’au delà de la Meuse l’armée française observerait sans attaquer ; à condition que le roi de Prusse remettrait sans combat à l’armée française les villes de Longwy et de Verdun, occupées par ses troupes. La convention politique et verbale garantissait au roi de Prusse les jours de la famille royale et les efforts de Dumouriez pour restaurer la monarchie constitutionnelle et modérer la Révolution. Ce traité, dont l’existence a été l’objet de tant de controverses et de tant d’accusations, ne peut être aujourd’hui contesté. L’honneur du cabinet prussien lui commandait de le nier, et d’attribuer la retraite paisible de l’armée coalisée à l’habileté de ses manœuvres et à l’impuissance des Français. Or, c’est du cabinet prussien que sont sortis, avec le temps, les aveux, les témoignages et les pièces qui constatent la réalité de la négociation. Cette négociation explique seule l’inexplicable immobilité de Dumouriez, laissant opérer impunément au duc de Brunswick et au roi une marche de flanc qui les exposait à être coupés en tronçons, et mesurant les pas de l’armée française sur les pas lents de l’armée prussienne : en sorte que les Fran-