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rapprochés de lui et qu’il connaissait, entre autres à Calon, inspecteur de la salle, à Coustard et à Vergniaud. Il entendit sans changer de couleur, de regard, d’attitude, les invectives lancées contre lui et le décret de sa déchéance. La chute de sa couronne ne donna pas un mouvement à sa tête. On vit même une joie secrète luire sur ses traits à travers la gravité et la tristesse du moment. Il respira fortement, comme si un grand fardeau eût été soulevé de son âme. L’empire pour lui était un devoir plus qu’un orgueil. En le détrônant on le soulageait.

Madame Élisabeth, insensible à la catastrophe politique, ne cherchait qu’à répandre un peu de sérénité dans cette ombre. La triste condoléance de son sourire, la profondeur d’affection qui brillait dans ses yeux à travers ses larmes, ouvraient au roi et à la reine un coin de ciel intérieur où les regards se reposaient confidentiellement de tant de trouble. Une seule âme qui aime, un seul accent qui plaint, compensent la haine et l’injure de tout un peuple : elle était la pitié visible et présente à côté du supplice.

La reine avait été soutenue au commencement par l’espérance de la défaite de l’insurrection. Émue comme un héros au bruit du canon, intrépide comme les vociférations des pétitionnaires et des tribunes, son regard les bravait, sa lèvre dédaigneuse les couvrait de mépris ; elle se tournait sans cesse avec des regards d’intelligence vers les officiers de sa garde, qui remplissaient le fond de la loge et le couloir, pour leur demander des nouvelles du château, des Suisses, des forces qui leur restaient, de la situation des personnes chères qu’elle avait laissées aux Tuileries, et surtout de la princesse de Lamballe, son amie. Elle avait ap-