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vir à elle seule une vengeance accumulée par quatorze siècles.


IX

À l’exception de l’accès machinal et spasmodique d’appétit que le roi avait satisfait au commencement de la séance, les personnes de la famille royale ne prirent aucune nourriture pendant cette journée et la moitié de cette nuit. Les enfants même oublièrent la faim. La pitié attentive de quelques députés et des inspecteurs de la salle envoyait de temps en temps quelques fruits et quelques verres d’eau glacée pour les désaltérer. La reine et sa sœur ne faisaient qu’y tremper leurs lèvres ; elles ne paraissaient occupées que du roi.

Ce prince, accoudé sur le devant de la loge comme un homme qui assiste à un grand spectacle, semblait déjà familiarisé avec sa situation. Il faisait des observations judicieuses et désintéressées sur les circonstances, sur les motions, sur les votes, qui prouvaient un complet détachement de lui-même. Il parlait de lui comme d’un roi qui aurait vécu mille ans auparavant ; il jugeait les actes du peuple envers lui comme il aurait jugé les actes de Cromwell et du long parlement envers Charles Ier. La puissance de résignation qu’il possédait lui donnait cette puissance d’impartialité, sous le fer même du parti qui le sacrifiait. Il adressait souvent la parole à demi-voix aux députés les plus