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car je ne veux vous appeler ni citoyens ni soldats, vous voyez devant vous cette artillerie, derrière vous cette cavalerie. Vous êtes souillés de forfaits. Je ne souffre ici ni assassins ni bourreaux. Je sais qu’il y a parmi vous des scélérats chargés de vous pousser au crime. Chassez-les vous-mêmes ou dénoncez-les-moi. Je vous rends responsables de leur conduite. » Les bataillons tremblèrent et prirent l’esprit de l’armée.

Le vieil honneur s’associait dans le camp au patriotisme. Dumouriez l’entretenait parmi ses troupes. Familier avec ses soldats, il passait les nuits à leurs feux, mangeait et buvait avec eux, leur expliquait sa position, celle des Prussiens, leur annonçait la prochaine déroute des ennemis, et quêtait homme par homme dans son armée cette confiance et cette patience dont il avait besoin pour les sauver tous. La menace de sa destitution lui arrivait tous les soirs de Paris. Il répondait par des défis aux ministres : « Je tiendrai ma destitution secrète, écrivait-il, jusqu’au jour où je verrai fuir les ennemis. Je la montrerai alors à mes soldats, et j’irai recevoir à Paris ma punition pour avoir sauvé mon pays malgré lui. »


XVII

Trois commissaires de la Convention, Sillery, Carra et Prieur, arrivèrent au camp le 24 pour y faire reconnaître la république. Dumouriez n’hésita pas. Quoique monarchiste, son instinct lui disait que la question du jour n’était