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un pareil enthousiasme. Il reforme avec sang-froid ses têtes de colonnes, fait sonner la retraite et reprend lentement, et sans être poursuivi, ses positions.


XV

Les batteries se turent des deux côtés. Le vide se rétablit entre les deux armées. La bataille resta comme tacitement suspendue jusqu’à quatre heures du soir. À cette heure le roi de Prusse, indigné de l’hésitation et de l’impuissance de son armée, reforma lui-même, avec l’élite de son infanterie et de sa cavalerie, trois formidables colonnes d’attaque, et parcourant à cheval le front de ses lignes, leur reprocha amèrement d’humilier le drapeau de la monarchie. Les colonnes s’ébranlent à la voix de leur souverain. Le roi, entouré du duc de Brunswick et de ses principaux généraux, marche aux premiers rangs et à découvert sous le feu des Français, qui décimait autour de lui son état-major. Intrépide comme le sang de Frédéric, il commanda en roi jaloux de l’honneur de sa nation, et s’exposa en soldat qui compte sa vie pour rien devant la victoire. Tout fut inutile. Les colonnes prussiennes, écrasées avant de pouvoir aborder les hauteurs de Valmy par vingt-quatre pièces de canon en batterie au pic du moulin, se replièrent, à la nuit tombante, ne laissant sur leur route que des sillons de nos boulets, une traînée de sang et huit cents cadavres. Kellermann coucha sur le plateau de Valmy, au