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leur feu. Une pluie d’obus mieux dirigés écrase le parc d’artillerie des Français. Deux caissons éclatent au milieu des rangs. Les projectiles, les essieux, les membres des chevaux, lancés en tous sens, emportent des files entières de nos soldats ; les conducteurs de chariots, en s’écartant au galop du foyer de l’explosion, avec leurs caissons, jettent la confusion et communiquent leur instinct de fuite aux bataillons de la première ligne. L’artillerie, privée ainsi de ses munitions, ralentit et éteint son feu.

Le duc de Chartres, qui supporte lui-même depuis près de trois heures, l’arme au bras, la grêle de boulets et de mitraille de l’artillerie prussienne, du poste décisif du moulin de Valmy, s’aperçoit du danger de son général. Il court à toute bride à la seconde ligne, entraîne la réserve d’artillerie à cheval, la porte au galop sur le plateau du moulin, couvre le désordre du centre, rallie les caissons, les ramène aux canonniers, nourrit le feu, étonne et suspend l’élan de l’ennemi.

Le duc de Brunswick ne veut pas donner aux Français le temps de se raffermir. Il forme trois colonnes d’attaque soutenues par deux ailes de cavalerie. Ces colonnes s’avancent malgré le feu des batteries françaises et vont engloutir sous leur masse le moulin de Valmy, où le duc de Chartres les attend sans s’ébranler. Kellermann, qui vient de rétablir sa ligne, forme son armée en colonnes par bataillons, descend de son cheval, en jette la bride à une ordonnance, fait conduire l’animal derrière les rangs, indiquant aux soldats par cet acte désespéré qu’il ne se réserve que la victoire ou la mort. L’armée le comprend. « Camarades, s’écrie Kellermann d’une voix palpitante d’enthousiasme et dont il prolonge les syllabes pour qu’elles