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tions, comme les vagues, rapportent souvent les hommes où elles les ont pris. Bien faire ce que la circonstance indiquait, en se fiant du reste à l’avenir et à son rang, était toute sa politique. Machiavel ne l’eût pas mieux conseillé que sa nature. Son étoile ne l’éclairait jamais qu’à quelques pas devant lui. Il ne lui demandait ni plus de lumière, ni plus d’éclat. Son ambition se bornait à savoir attendre. Sa providence était le temps ; né pour disparaître dans les grandes convulsions de son pays, pour survivre aux crises, pour déjouer les partis déjà fatigués, pour satisfaire et pour amortir les révolutions. À travers sa bravoure, son enthousiasme exalté pour la patrie, on craignait d’entrevoir en perspective un trône relevé sur les débris et par les mains d’une république. Ce pressentiment, qui précède les hautes destinées et les grands noms, semblait révéler de loin à l’armée que, de tous les hommes qui s’agitaient alors dans la Révolution, celui-là pouvait être un jour le plus utile ou le plus fatal à la liberté.

Dumouriez, qui avait entrevu le jeune duc de Chartres à l’armée de Luckner, l’observa attentivement dans cette occasion, fut frappé de son sang-froid et de sa lucidité dans l’action, pressentit une force dans cette jeunesse, et résolut de se l’attacher.