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la colère du peuple et ne perpétuât les massacres qu’on voulait arrêter, avaient envoyé des escouades d’hommes de peine au Carrousel pour balayer le champ de bataille. Vers minuit, ces hommes dressèrent d’immenses bûchers avec les charpentes enflammées, les bois de lit des gardes-suisses de l’hôtel de Brionne, les meubles du palais. Ils y jetèrent des centaines de cadavres qui jonchaient le Carrousel, les cours, le vestibule, les appartements. Rangés, en silence, autour des feux, ces balayeurs de sang attisaient le bûcher en y jetant d’autres débris et d’autres corps. Ces flammes lugubres, réverbérées sur les murs et allant éclairer, à travers les vitres brisées, l’intérieur même du palais, furent la dernière illumination de cette nuit. À l’aube du jour, Suisses et Marseillais, royalistes et républicains, nobles et peuple, tout était consumé. On lava ces pavés, on balaya cette cendre à la Seine. La nuit, l’eau, le feu, avaient tout englouti. La ville reprit son cours, sans apercevoir d’autres traces de la catastrophe de la monarchie qu’un palais désert, des portes sans gardes, des fenêtres démantelées, et les déchirures de la mitraille sur les vieux murs des Tuileries.


VIII

L’Assemblée suspendit sa séance à une heure du matin. La famille royale était restée jusque-là dans la loge du logographe. Dieu seul peut mesurer la durée des quatorze