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VII

Dès le soir du 10 août, la garde nationale avait disparu. Les piques et les haillons avaient remplacé les baïonnettes et les uniformes civiques dans les postes et dans les patrouilles qui sillonnaient Paris. Les Marseillais et les fédérés rendaient seuls quelque appareil martial à ces détachements du peuple armé. Santerre, affectant dans son extérieur la simplicité cynique d’un général des faubourgs, pour contraster avec le luxe militaire de La Fayette, parcourait Paris monté sur un lourd cheval noir, bête de travail plutôt que cheval de bataille. Deux ou trois ouvriers de sa brasserie l’accompagnaient et lui servaient d’aides de camp, à la place de ce brillant état-major de jeunes officiers de l’aristocratie ou du haut commerce, dont le général du Champ de Mars était toujours décoré. Le chapeau écrasé de Santerre, ses épaulettes noircies, son sabre au fourreau de cuivre, son uniforme râpé et débraillé, sa poitrine nue, son geste trivial, flattaient la multitude. Elle aimait dans Santerre son égal. Westermann, dans une tenue plus militaire, visita les postes des fédérés et des Marseillais, accompagné de Fournier l’Américain, de Barbaroux et de Rebecqui.

Les agents de la commune de Paris, pressés de faire disparaître les traces de sang et les corps des victimes, de peur que l’aspect des cadavres ne rallumât, le lendemain,