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rain solide et étroit qui peut servir d’assiette à un second camp. Le général réservait ce second camp à Kellermann. Du bois, de l’eau, des fourrages, des farines, des viandes salées, de l’eau-de-vie, des munitions amenées en abondance par les deux routes de Reims et de Châlons, pendant qu’elles restaient libres, donnaient sécurité au général, gaieté aux soldats. Dumouriez avait étudié cette position pendant les loisirs du camp de Grandpré. Il s’y établit avec cette infaillibilité de coup d’œil d’un homme qui connaît le terrain et qui s’empare sans hésitation du succès. Un bataillon fut jeté dans le château escarpé de Saint-Thomas, qui terminait et couvrait sa droite ; trois bataillons et un régiment de cavalerie à Vienne-le-Château ; des batteries établies sur le front du camp qui enfilaient le vallon ; son avant-garde se posta sur les hauteurs qui dominent, au delà du vallon, le petit ruisseau de la Tourbe ; quelques postes perdus sur la route de Châlons, pour maintenir le plus longtemps possible sa communication avec cette ville, son arsenal et sa place de recrutement. Ces dispositions faites, et le quartier général installé à Sainte-Menehould, au centre de l’armée, Dumouriez, inquiet des bruits de sa prétendue déroute, semés par les fuyards de Grandpré jusqu’à Paris, songe à écrire à l’Assemblée : « J’ai été obligé, écrit-il au président, d’abandonner le camp de Grandpré. La retraite était accomplie, lorsqu’une terreur panique s’est répandue dans l’armée. Dix mille hommes ont fui devant quinze cents hussards prussiens. Tout est réparé. Je réponds de tout. »

Pendant que Dumouriez prenait ainsi possession du dernier champ de bataille qui restait à la France, et y disposait d’avance la place où Kellermann et Beurnonville de-