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IV

À minuit, Dumouriez sort à cheval du château de Grandpré, qu’il habitait, et monte à son camp, au milieu des plus épaisses ténèbres. Le camp dormait. Il défend aux tambours de battre, aux trompettes de sonner. Il fait passer de bouche en bouche et à demi-voix l’ordre de plier les tentes et de prendre les armes. L’obscurité et la confusion ralentissent la formation des colonnes. Mais avant la première lueur du jour l’armée est en marche ; les troupes passent en deux colonnes les ponts de Senuc et de Grandchamp et se rangent en bataille sur les hauteurs d’Autry. Désormais couvert par l’Aisne, Dumouriez regarde si l’ennemi le suit. Mais le mystère qui a enveloppé son mouvement a déconcerté le duc de Brunswick et Clairfayt. L’armée coupe les ponts derrière elle, se remet en route et campe à Dommartin, à quatre lieues de Grandpré. Deux fois réveillé dans la nuit par des paniques soudaines semées par la trahison ou par la peur, Dumouriez remonte deux fois à cheval, court au bruit, se fait voir à ses troupes, les harangue, les rassure, rétablit l’ordre, fait allumer de grands feux à la lueur desquels les soldats se reconnaissent et se rallient, et transmet à tous les cœurs la confiance et l’intrépidité de son âme. Le lendemain il fait disperser par le général Duval un nuage de hussards prussiens. Ces hussards avaient assailli et mis en déroute pen-