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fayt. Il n’a qu’un jour pour s’y précipiter et pour atteindre cette ville. La nécessité semble lui tracer son plan de campagne ; mais ce plan est une retraite. Une retraite devant un ennemi vainqueur dans deux combats partiels, c’est incliner la fortune de la France devant l’étranger. L’audace de Danton a passé dans l’âme et dans la tactique de Dumouriez. Il conçoit en une heure un plan plus téméraire que celui de l’Argonne. Il ferme l’oreille aux conseils timides de l’art. Il n’écoute que l’enthousiasme, cet art sans règle du génie. Il s’enferme avec ses aides de camp et ses chefs de corps. Il dicte à chacun les ordres qui doivent changer la direction des généraux et des corps d’armée, et les coordonne avec sa nouvelle résolution :

À Kellermann, l’ordre de continuer sa marche et de se diriger sur Sainte-Menehould, petite ville à l’extrémité de la forêt d’Argonne, dans les dernières ondulations de terrain entre les Ardennes et la Champagne ;

À Beurnonville, l’ordre de partir de Rethel, de côtoyer la rivière d’Aisne, en évitant de se rapprocher de l’Argonne, pour préserver ses flancs d’une attaque de Clairfayt ;

À Dillon, l’ordre de défendre jusqu’à la mort les deux défilés de l’Argonne qui tiennent encore les Prussiens à distance sur la droite de Grandpré, et de lancer des troupes légères au delà de la forêt en tournant son extrémité par Passavant, afin d’étonner de ce côté la marche du duc de Brunswick, et d’être plus tôt en communication avec l’avant-garde de Kellermann ;

À Chazot, l’ordre de revenir à Autry ;

Au général Sparre, commandant à Châlons, l’ordre de former un camp en avant de Châlons avec tous les ba-