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quéraient pour l’humanité. La bourgeoisie combattait pour elle-même ; le peuple combattait pour les idées. Chose étrange, mais vraie, il y avait plus de lumière dans la bourgeoisie, plus d’idéal dans le peuple. La nuance entre ces deux classes s’était trop bien caractérisée par leur attitude dans la journée. La garde nationale, composée de la bourgeoisie, parti de La Fayette, des Girondins, de Pétion, n’avait su ni empêcher ni faire, ni attaquer ni défendre. Redoutant d’un côté par peur la victoire du peuple, de l’autre par envie le triomphe de la cour et de l’aristocratie, elle n’avait pris parti que pour elle-même. Rassemblée avec peine, indécise dans ses mouvements, refusant son initiative à la république, son appui au roi, elle était restée l’arme au bras entre le château et les faubourg, sans prévenir le choc, sans décider la victoire ; puis, passant lâchement du côté du vainqueur, elle n’avait tiré que sur les fuyards.

Maintenant elle rentrait humiliée et consternée dans ses boutiques et dans ses comptoirs. Elle avait justement perdu le pas sur le peuple. Elle ne devait plus être que la force de parade de la Révolution, commandée pour assister à tous ses actes, à toutes ses fêtes, à tous ses crimes : décoration vivante et vaine aux ordres de tous les machinistes de la République.