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Beurnonville lui amenait à marches forcées : un hasard compromit tout.

Accablé des fatigues de corps et d’esprit, il avait oublié d’aller reconnaître de ses propres yeux, et tout près de lui, le défilé de la Croix-au-Bois, qu’on lui avait dépeint comme impraticable à des troupes, et surtout à de la cavalerie et à de l’artillerie. Il l’avait fait occuper cependant par un régiment de dragons, deux bataillons de volontaires et deux pièces de canon, commandés par un colonel. Mais, par suite d’un déplacement de corps qui rappelait au camp de Grandpré le régiment de dragons et les deux bataillons de la Croix-au-Bois, avant que le bataillon des Ardennes, qui devait les remplacer, fût arrivé à son poste, le défilé fut un moment ouvert à l’ennemi. Les nombreux espions volontaires que les émigrés avaient dans les villages de l’Argonne se hâtèrent d’indiquer cette faute au général autrichien Clairfayt. Clairfayt lança à l’instant huit mille hommes, sous le commandement du jeune prince de Ligne, à la Croix-au-Bois, et s’en empara. Quelques heures après, Dumouriez, informé de ce revers, donne au général Chazot deux brigades, six escadrons de ses meilleures troupes, quatre pièces de canon, outre les canons des bataillons, et lui ordonne d’attaquer à la baïonnette et de reprendre à tout prix le défilé. D’heure en heure, le général impatient envoie à Chazot des aides de camp pour presser sa marche et pour lui rapporter des nouvelles. Vingt-quatre heures se passent dans ce doute. Enfin, le 14, Dumouriez entend le canon sur sa gauche. Il juge au bruit qui s’éloigne que les Impériaux reculent et que Chazot s’enfonce dans la forêt. Le soir un billet de Chazot lui annonce qu’il a forcé les retranchements autrichiens, dé-