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muets de ce retour inespéré à la vie lui faisaient des signes d’intelligence et de pitié. Il était sauvé ; mais un des assassins, revenant par hasard sur ses pas, aperçut le vieillard, et s’approchant de lui le sabre levé : « Ah ! tu te réveilles ! lui cria-t-il, attends ! je vais te rendormir pour plus longtemps. » En disant ces mots, il lui fend la tête d’un coup de sabre, et le recouche sur cette litière de morts.


V

De là, les tueurs se portèrent aux deux prisons de Versailles, et, malgré les efforts désespérés de Richaud, égorgèrent dix prisonniers ; le reste dut son salut à l’intrépidité, à l’éloquence et aux ruses pieuses de ce généreux magistrat. Il n’avait pas cessé, depuis deux jours, d’avertir le pouvoir exécutif des dangers qui menaçaient la vie des prisonniers de Versailles et de réclamer des forces de Paris. Alquier, président du tribunal de Versailles, se transporta deux fois chez Danton, ministre de la justice, pour le sommer, à ce titre, de pourvoir à la sûreté des prisons. La première fois, Danton éluda ; la seconde, il s’irrita d’une insistance qui agitait le remords ou l’impuissance de son cœur. Regardant Alquier d’un regard significatif et qui voulait être entendu sans paroles : « Monsieur Alquier, lui dit-il d’une voix rude et impatiente, ces hommes-là sont bien coupables ! bien coupables ! Retournez à vos fonctions et ne vous mêlez pas de cette affaire. Si j’avais pu vous répondre autrement, ne