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rage à l’œuvre du geste et de la voix. « Mes hommes sont des brigands, répondait Ronsin à ceux qui lui reprochaient les forfaits de sa troupe ; mais est-ce donc d’honnêtes gens qu’étaient composées les légions qui exécutaient les proscriptions de Marius ?

À Reims, un autre bataillon recruté dans les sentines de Paris passait pour se rendre aux frontières sous le commandement du général Duhoux. Un agitateur nommé Armonville se présente devant ce bataillon au moment où le général passait la revue. En vain le commandant veut retenir les soldats. Armonville les harangue, en débauche une cinquantaine, les entraîne à la Société populaire, leur distribue des armes, marque les maisons, désigne les victimes, et les encourage à frapper. Deux administrateurs sont massacrés sur les marches de l’hôtel de ville. On joue aux boules avec leurs têtes. On jette dans un bûcher allumé sur le parvis de la cathédrale tous les prêtres trouvés dans la ville. Pendant deux jours les assassins attisent ce bûcher et y jettent pour l’alimenter de nouvelles victimes. Ils forcent le neveu d’un de ces prêtres d’apporter de sa propre main le bois pour consumer le corps de son oncle. Ils coupent les jambes et les bras de M. de Montrosier, homme étranger à la ville et innocent de toute opinion politique. On le porte ainsi mutilé pour expirer à la porte de sa maison, sous les yeux de son père et de sa femme.

Ces scélérats jouent avec l’agonie, avec la conscience, avec les remords de ceux qu’ils immolent. Un des prêtres entourés par les flammes, vaincu par la douleur, demande à prêter serment à la nation. On le retire du feu. Le procureur de la commune, Couplet, complice de ces jeux, arrive et reçoit le serment. « À présent que tu as fait un